« Revenons à l’essence de ce que nous sommes : une conception d’un monde plus juste »

« J’avais 18 ans quand l’Américain Francis Fukuyama, prévoyant le déclin soviétique, proclama dans un célèbre article ‘la fin de l’Histoire’. Un nouveau monde devait naître où le marché et la démocratie libérale allaient jusqu’à la fin des temps garantir croissance, ruissellement des richesses et paix… Plus de trente ans après, les certitudes ont laissé la place aux incertitudes. Du 11-Septembre à Kaboul, des premiers effets du réchauffement climatique au Covid-19, en passant par la montée des populismes et l’explosion des inégalités, l’horizon radieux s’est mué en nuages lourds et menaçants.

Dans ce décor anxiogène, reste une constante : les valeurs d’égalité, de justice sociale, de solidarité, d’écologie sont solidement ancrées chez nos concitoyens. Mises bout à bout, elles dessinent un chemin pour esquisser un nouveau modèle de société. Pour la gauche, cela doit sonner l’heure du réveil.

Parce qu’elle porte en elle l’idée d’émancipation, la gauche, avant d’être un logo ou un bulletin de vote, est une conception, en mouvement, d’un monde plus juste

Comment? D’abord en revenant à l’essence même de ce que nous sommes. Parce qu’elle porte en elle l’idée d’émancipation, la gauche, avant d’être un logo ou un bulletin de vote, est une conception, en mouvement, d’un monde plus juste. Or, nous nous sommes longtemps laissés enfermer dans une gestion comptable, prenant acte, résignés, de la fragmentation de la société, admettant sa droitisation, politique et culturelle. Nous nous sommes laissés griser par la société du spectacle, qui préfère la petite phrase au grand dessein. L’avenir de la gauche se joue dans sa capacité à repenser en grand : il faut se remettre au boulot, agiter le réel et les idées, afin de rebâtir un avenir souhaitable.

Repenser l’avenir, c’est énoncer des principes clairs. Pas plus que le libre-échange débridé et sans morale, ce ne sont pas la technologie et les Gafam qui résoudront d’un clic les problèmes de la planète. Tout comme la superposition de castes privilégiées d’un côté, travailleurs d’une société de services - voire d’une société de serviteurs - de l’autre, n’assurera pas la redistribution et le vivre-ensemble qui en découle. Parlons vrai : il faut reprendre le contrôle. Le politique qui s’est effacé derrière l’économie pour en devenir son expert-comptable doit reprendre fermement la barre. Ce volontarisme politique, c’est la gauche qui doit désormais l’incarner.

Le défi de la transition écologique constitue une occasion historique pour cette gauche du 21e siècle qui pense toujours que gouverner ce n’est pas trahir

Ensuite, ce projet doit replacer au cœur de notre société l’intérêt public, seul à même de recréer du lien entre les citoyens. Cet intérêt public doit être garanti par un Etat fort et efficace, qui travaille main dans la main avec les collectivités du quotidien et les citoyens. Et garanti, aussi, par le secteur privé. Il s’agit de refaire société en refusant les égoïsmes, en écartant la verticalité et le mépris, en cherchant à briser à chaque instant cette solitude dans laquelle sont enfermés tant de nos concitoyens. Depuis plusieurs années, un mouvement social s’est initié dans une ‘internationale du bien public’ qui ne dit pas son nom : il mêle des agriculteurs et des intellectuels, des consommateurs conscientisés et des jeunes qui marchent pour le climat, des ONG, des syndicats. Il produit des idées, des actions. Mais, comme au 19e ou au 20e siècle, il a besoin d’un débouché politique. Ce projet de société inclusif et progressiste, c’est la gauche qui doit assumer de le porter.

Le défi de la transition écologique constitue une occasion historique pour cette gauche du 21e siècle qui pense toujours que gouverner ce n’est pas trahir. Education, travail, industrie, aménagement du territoire, santé, alimentation, transports… Qu’on le veuille ou non, un nouveau chapitre de l’histoire humaine s’ouvre. Le compte à rebours a commencé. Le subir, c’est enterrer toute possibilité d’alternative. Or, celle-ci est claire : soit cette transition est portée avec courage par la gauche du faire, celle qui veut concilier économie et écologie, sans rupture ni brutalité, et elle peut générer de nouveaux progrès sociaux et démocratiques ; soit le marché fait son œuvre - ou ses avatars, tels le ‘en même temps’ vertical ou le populisme replié sur son rocher identitaire pendant que la mer monte. C’est-à-dire qu’il ne fera rien, et il sera synonyme de nouvelles inégalités et de déséquilibres dangereux voire irréversibles.

Au fond, comme toujours, le destin de la gauche est intimement lié au destin du monde. Et inversement. »

Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie

Tribune publiée dans le Journal du Dimanche le 26/09

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